Les mécanismes internes de la calcification
Les coraux, appartenant au phylum des cnidaires, développent des stratégies biologiques sophistiquées pour maintenir la formation de leur squelette calcaire malgré l’acidification. Ils régulent notamment le pH du fluide de calcification, grâce à des pompes ioniques qui expulsent les protons et augmentent localement l’alcalinité nécessaire à la précipitation du carbonate de calcium. Ce mécanisme, soutenu par des enzymes comme la Ca²⁺-ATPase, permet de stabiliser le pH autour de 8,2 même lorsque l’eau de mer devient plus acide.
La symbiose avec les zooxanthelles, des algues photosynthétiques, joue également un rôle clé : en consommant le CO₂ et en produisant de l’énergie, elles favorisent la formation du squelette et le maintien du pH interne. Cependant, ce lien fragile est menacé par la hausse des températures et la pollution, qui peuvent provoquer le blanchissement et la perte de la symbiose.
Enfin, la plasticité phénotypique et la diversité génétique permettent à certaines espèces de mieux tolérer les variations de pH. Des différences de tolérance sont observées entre colonies d’une même espèce, signe que des mécanismes adaptatifs sont déjà à l’œuvre.
L’adaptation des coraux à l’acidification
Les études comparatives menées sur plusieurs genres emblématiques — Acropora, Stylophora et Porites — montrent une diversité de réponses à l’acidification.
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Acropora, corail branchu à croissance rapide, parvient à maintenir sa calcification grâce à une forte régulation du pH interne. Cependant, sa sensibilité au réchauffement limite son adaptation durable.
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Stylophora, notamment l’espèce S. pistillata, peut stabiliser son pH de calcification même dans des eaux acides, mais ses taux de croissance diminuent sous stress prolongé.
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Porites, corail massif réputé pour sa robustesse, conserve des taux de calcification relativement stables à pH 7,8, preuve d’une régulation enzymatique efficace et d’une symbiose particulièrement optimisée.
Ces résultats montrent que toutes les espèces ne sont pas égales face à l’acidification. Si certaines possèdent des mécanismes de régulation performants, la vitesse actuelle du changement climatique pourrait dépasser leurs capacités d’adaptation.
Résilience des récifs dans différents climats
La résilience des coraux varie fortement selon les régions et les conditions climatiques. Dans le Triangle de Corail (Philippines, Indonésie, Malaisie), certaines populations exposées à des zones naturellement acides, comme les sources sous-marines de CO₂, montrent une acclimatation remarquable. La diversité génétique et la multiplicité des microhabitats y favorisent une certaine résistance.
À Palau, des recherches récentes ont révélé une plasticité transcriptomique chez certaines espèces, leur permettant de moduler l’expression de gènes impliqués dans la régulation acido-basique et de maintenir leur calcification. Cependant, malgré ces signes d’adaptation, les pressions cumulées — acidification, réchauffement, pollution et surpêche — menacent la stabilité de ces écosystèmes. Les récifs perdent en complexité structurelle et voient leur biodiversité décliner.
Les coraux possèdent indéniablement des capacités d’adaptation et des mécanismes de résilience face à l’acidification des océans. Toutefois, ces réponses demeurent insuffisantes face à la rapidité des changements induits par les activités humaines. Préserver ces écosystèmes passe donc par la réduction des émissions de CO₂, la protection locale des récifs et le soutien à la recherche scientifique, afin d’identifier les espèces les plus résilientes et de favoriser leur restauration. Les coraux, véritables ingénieurs des mers, nous rappellent que la lutte contre le changement climatique est indissociable de la préservation de la vie marine.